Marmaris - Héraklion : On the Rhodes to Crète

Le retour sur le continent européen nous réserve d'emblée une surprise. Sur le pont du petit bateau pour l'île de Rhodes, nous sommes trois couples de cyclo-voyageurs ! On avait rencontré un capitaine de bateau à Marmaris, qui avait du indiqué à l'équipage de nous passer le bonjour... mais les matelots sont un peu perdus : à qui doit aller le message avec tant de cyclistes à bord sur ce petit bateau ?

 

Clare et Andy (dont voici le blog, Pedalling West), tous deux Anglais, sont partis du Japon en août 2015 pour rejoindre leur terre d'origine, un voyage inspiré... par Peter, qu'on a rencontré en Macédoine il y a quelques mois ! Le monde du voyage à vélo est à la fois immense et tout petit.

 

On retrouve aussi Stefan et Yuily, un couple germano-taïwanais croisé sur la route il y a deux semaines (sur la route de Demre), et revu par hasard dans le journal quelques jours plus tard. Ils ont quant à eux démarré leur voyage à Hong-Kong pour un tour du monde (on vous conseille en particulier les BDs de Yuily sur leur blog Dream Unlimited).  

 

Surtout en hiver où les voyageurs à vélo sont rares, c'est toujours sympa de croiser d'autres cyclopèdes et de partager nos aventures. 

L'arrivée à Rhodes est impressionante : la ville est entouré d'un mur d'enceinte et en quelques pas, il nous semble voyager quelques siècles en arrière, à l'époque des chevaliers de l'Ordre de St Jean de Jérusalem - les mêmes (enfin, leurs descendants) que ceux qui sont désormais sur l'île de Malte. Pas de trace par contre du fameux Colosse de Rhodes, une autre des sept merveilles du monde antique, qui s'élevait au-dessus du port, une jambe de chaque côté. Il a été détruit depuis longtemps. On se balade dans la vieille ville, où les chevaliers étaient organiscs par "langues" : langue d'Allemagne, d'Italie ou d'Angleterre, mais aussi de France, d'Auvergne ou encore de Provence, qui étaient alors bien distinctes. La diversité linguistique en France a bien pâti depuis...

Le palais des chevaliers : une forteresse byzantine qui deviendra tour à tour siège de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem, château ottoman, résidence secondaire pour les amis fascistes du "Duce" Mussolini et enfin musée byzantin.

 

 

 

On est presque seuls  dans la vieille ville. Ses rues pavées et étroites tournicotent en passant d'une époque à l'autre : ici une vieille église byzantine, là une mosquée ottomane, un peu partout, de joli maison serrées entourant des placettes et des cours, où l'on imagine les passants s'abriter de la chaleur estivale à l'ombre des immenses arbres.

 

Ce qui est bien avec ce genre de routes, c'est qu'on peut chanter sans efforts avec les trilles des grands chanteurs d'opéra.

Notre bateau pour la Crète repart dans quatre jours après notre arrivée, c'est juste le temps pour faire un p'tit tour de cette île du Dodécanèse.

 

Le beau temps est avec nous et la route est à nous en cette fin d'année. Au détour d'un tournant, une ville apparaît, comme sortie d'un conte de fée : Lindos. Un chateau domine les maisonnettes blanches à ses pieds, et surplombe une jolie crique. C'est l'un des plus beaux villages qu'on ait vus... à parcourir à pied plutôt qu'à vélo : les rues sont si étroites et les escaliers si nombreux qu'on doit plus souvent porter ou pousser nos vélos que pédaler !

Encore Lindos...

Toujours Lindos (on ne s'en lasse pas)...

 On longe la côte vers le sud. Les villages vidés de leurs touristes estivaux et des saisonniers qui y travaillent se suivent et se ressemblent. Gennadi est le premier village de l'île, après la ville de Rhodes, qui soit encore vivant fin décembre. 

Après avoir traversé l'île d'Est en Ouest, la pluie s'invite, et on trouve refuge pour la nuit dans les vestiaires du petit stade d'Apolakkia.

Rhodes a beau être une petite île, elle ne manque pas de forteresses. Celle de Monolithos est perchée au sommet d'un bloc de roche isolé, face à la mer. Comme à Lindos, le cadre donne envie de s'entendre raconter des histoires mythologiques, fantastiques ou féeriques.

 

A Mandriko, on demande dans une station service à remplir nos bidons avant de se poser pour la nuit. Mais un homme nous arrête : "N'allez pas plus haut, il va pleuvoir par là-bas. Venez avec moi, je connais un endroit ici où vous pourriez dormir". Il nous guide jusqu'au garage d'une maison, puis réfléchit à nouveau, et nous propose de passer la nuit à côté, dans le salon de coiffure de sa fille, qui ne vient que deux fois par mois coiffer les habitants du village et travaille le reste du temps dans la ville de Rhodes. Il y a non seulement quatre murs et un toit, mais aussi de la lumière, de l'eau, et même du chauffage ! C'est un peu Noël avant l'heure, et c'est d'ailleurs là qu'on passera le réveillon de Noël : décoiffant !

Ça, c'est du croissant de Noël !

Pâturages de luxe pour ses chèvres rhodiennes, que les bergers rassemblent... au volant de leur voiture !

Noël en familles ! On n'aura rarement été si nombreux. Il ne manque plus à Skype que l'option pour s'offrir des cadeaux de main à main.

Comme nous avait prévenu Göksel à Marmaris, la  voie maritime pour rejoindre la crete est assez mouvementée. Malgré la consommation de pois chiches secs (un bonne vieille technique de grand-mère apparemment), ça tangue dur jusqu'à la fin du voyage.

 

Sur le pont, alors que le bateau fait escale sur une petite île qui vit (ou survit) grâce à ces ferrys réguliers (le village fait face au port comme s'il n'attendait que ces bateaux), Sarah (cyclo-voyageuse aussi) et son mari Tanzeel nous saluent. Voyageant pour leur lune de miel en Turquie et à Rhodes, ils vont dans le sud de la Crète chez le père de Sarah, Anglaise par sa mère et Crétoise par son père. Chaleureux et passionnants, on prends un grand plaisir à discuter avec eux. Ils nous offrent même une douche dans leur cabine - c'est la première fois qu'on est accueillis par des hôtes Warmshowers sur un bateau !

 

Le ferry pour la Crète accoste pour quelques minutes sur toutes les petites îles du chemin, nous laissant entrevoir du pont la beauté de ces villages paisibles, colorés et coupés du monde, qui ressemblent aux maquettes d'un film d'animation.

 

 

On est accueillis à l'est de la Crète, à Sitia, par une pluie torrentielle. Il fait déjà nuit noire, et on a la chance de trouver un abri insolite qui nous tend les bras : l'ancienne douane du port laissée a l'abandon. Pas besoin de sortir les passeports ni de faire la queue : le lieu est à nous pour la nuit. 

 

Stavros, le père de Sarah, habite au sud de la Crète, dans une maisonnette cachée entre les immeubles du centre. Il nous accueille pour deux jours, le temps de prendre des forces avant la vague de froid prévue pour les prochains jours. Stavros n'est pas cycliste, mais il est devenu membre de Warmshowers après avoir vu le merveilleux accueil réservé un peu partout à Sarah et à son frère, qui a aussi voyagé à vélo. C'est là qu'on joue pour la première fois, devant ce public bienveillant et très sympathique, notre interprétation de "Ta pedia tou Pirea", "Les enfants du Pirée". 

Chez Stavros, avec Sarah et Tanzeel

La météo ne s'y était pas trompée : le froid ne fait que commencer. Les premières neiges (ci-contre) commencent par nous amuser (on n'a jamais autant été dans le sud qu'en Crète durant ce voyage), puis un peu moins à mesure que les flocons fondent sur nous...  Un Couchsurfeur peut nous accueillir à Archanes, mais il y a encore de la route : ne sachant pas si on doit encore grimper (la Crète est très montagneuse) ou descendre, il faut décider si on cherche un abri, ou si on tente d'arriver le soir. C'est un coup de poker... et malheureusement, la descente n'est pas pour tout de suite. La nuit tombe, la neige redouble de gros flocons, les températures refroidissent, et il n'y a aucun abri en vue. 

 

Mais on avait déjà remarqué en Crète un grand nombre de pick-ups qui vont et viennent pour ramasser des olives. On en arrête un pour savoir s'il pourrait nous monter jusqu'à Archanes, car la petite route serait bien trop dangereuse à prendre de nuit, d'autant plus au milieu de cette tempête de neige. Il décline d'abord, puis nous prend peut-être en pitié et nous retrouve un peu plus loin : ça marche ! On souffle enfin : on ne dormira pas en tente ce soir, mais au chaud chez George et son père. 

George est enseignant en théâtre dans une école primaire à Drama (c'était prédestiné sans doute), dans le nord du pays. Là-haut, la neige est habituelle, mais la Crète n'en a jamais vu depuis des années. C'est bien notre veine... George est passionné de littérature, de cinéma, de philosophie et de théâtre. Rencontrer son père et lui nous réchauffe au moins autant que la bonne soupe et le thé fumant qu'ils nous offrent. 

Le mauvais temps est arrivé pour durer, ici comme partout en Europe, comme on l'apprendra plus tard. On est contraints d'écourter notre balade en Crète, et laisser les visites du village de Nikos Kazantzakis (l'un des plus grands écrivains grecs), du site archéologique de Knossos (siège des Minoens, une civilisation qui a précédée les Grecs, connue notamment pour le fameux labyrinthe du Minoraute) et des villes de Rethymno ou Chania à une prochaine fois, pour rejoindre le continent où un toit nous attend chez Kostas, à Athènes...

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Commentaires: 3
  • #1

    Pat (dimanche, 05 février 2017 18:25)

    J'ai beaucoup apprécié les photos de Gaëtan avec son café/croissant et du père Noël à vélo.
    Continuez à nous faire voyager et à bientôt à Barcelona.
    Ziboux

  • #2

    Romain (mercredi, 08 février 2017 08:56)

    J'ai hate de vous revoir les copains !
    Les images sont toujours aussi tripantes et les textes se lisent comme si l'on y était !

    À très vite !

    Bécots iodés !

  • #3

    Anne-Sophie (samedi, 11 février 2017 22:42)

    Merci pour ce récit qui nous fait voyager en ce début d'année bien frileux en France aussi !!