Scepan Polje - Rozaje : Monténégrandiose

 

Nous quittons donc Foča et la Bosnie en longeant cette fois-ci la Drina de l'autre bord, vers le sud, pour atteindre la frontière d' un nouveau pays petit par la taille mais immense par la beauté : le Monténégro.

 

La Drina en est un bon exemple, formée par la réunion des rivières Piva et Tara nées au Monténégro et qui nous en feront voir de toutes les couleurs. 

 

Men (and women) in bike : en ce moment sur votre écran !

 

Malgré un  temps un peu maussade, jamais nous nous serons autant arrêtés dans ce voyage pour apprécier un paysage si éblouissant, tout en mitraillant de photos l'eau d'un bleu lapis lazuli de cette rivière, la Piva, encastrée dans un canyon abrupte et sauvage.  

 

Cette route, beaucoup moins connue que celle des Portes de Fer entre la Serbie et la Roumanie, annonce la couleur du pays, bien que les moult tunnels non éclairés qui la parsèment nous fassent un peu des frayeurs parfois.

 

Et dire que le canyon formé par les gorges de la Tara voisine, inaccessible en voiture mais que nous espérons parcourir en rafting, est le plus grand d'Europe par sa profondeur... On se pourlèche d'avance les paupières...

Le pont sur la Drina - à couper le souffle

 

Roulant donc le long de la Piva, nous arrivons au barrage de Mratinje, l'un des plus hauts d'Europe (240 m),  formant le lac artificiel Piva, le plus grand réservoir d'eau potable d'Europe : beaucoup de superlatifs pour une seule rivière !

 

Ce lac de 45 km de long fait beaucoup penser à un fleuve reposant au milieu des montagnes.

 

Nous serpentons donc la rivière puis le lac Piva, d'un bord à l'autre par l'intermédiaire de ponts vertigineux pour débouler dans le village de Plužine. 

 

Ce village, reconstruit après que l'ancien a fini au fond du lac lors de la construction du barrage hydraulique dans les années 1970, sera le théâtre de belles rencontres et notre point de départ pour une journée de rafting dans la Tara.

 

Les photos ci-dessous ne donnent qu'un semblant d'impression de ces paysages impressionnants, qu'il faut aller voir par soi-même...

 

On arrive à Plužine après une trentaine de kilomètres époustouflants. C'est là qu'on rencontre trois cyclovoyageurs suisses très sympas, qu'on arrêtera pas de croiser à nouveau ces prochains jours. 

 

Au café Zvono, un petit lieu bien sympathique qui passe du jazz et abrite une belle bibliothèque, on organise une journée de rafting pour le lendemain, à partir de Šćepan Polje : ce sera l'occasion de revoir cette belle route le long de la Piva, mais en voiture cette fois, en compagnie des cyclistes suisses qu'on retrouve. 

Les eaux translucides (et potables) de la Tara lui valent le surnom de "Larme de l'Europe".

 

 

La saison n'est pas forcément la meilleure pour faire du rafting, car il y a moins d'eau qu'au début du printemps : notre descente se fera en trois heures, contre une en avril ! 

 

On embarque avec une famille monténégrine, un couple d'Anglais et un voyageur polonais : c'est dire si ce canyon attire !

 

La descente est plutôt tranquille, mais on se fait quand même bien éclabousser ! Les paysages sont beaux, mais notre canyon préféré reste toujours celui de la Piva... 

 

 

 

On s'arrête de temps en temps pour profiter des cascades le long de la rivière, où on s'essaie à des photos pas très originales, dans la veine des marques de shampoing et de gels douche... L'eau est fraîche, mais ça fait du bien ! 

 

 

Ci-contre, sur le pont sur la Piva (en photo plus haut), avec les cyclovoyageurs suisses Laurence, Rito et Rafae (désolés pour l'orthographe de vos prénoms les gars !), qui pédalent dans les Balkans pendant quelques semaines. 

 

A Plužine, sur la plage du lac, on rencontre aussi deux Français en voyage, puis quatre Espagnols : nous serons voisins de tentes pour un soir, face au lac et aux montagnes qui l'entourent...

 

Cris et Pau, de Barcelone, et Andrea et Javi, de Valence, voyagent (en voiture) dans les Balkans. Ils ont été invités à un festival de cinéma documentaire en Serbie pour présenter un film que Cris et Javi ont réalisé sur une expérience d'autogestion par des étudiants au Portugal. 

 

On passe une belle soirée avec eux, qu'on espère revoir un jour en Espagne ou ailleurs (peut-être pendant ce voyage ?).

 

 

 

On regarde une dernière fois le beau lac de la Piva, avant de lui tourner le dos dans les lacets abruptes qui gravissent la montagne pour aller vers le parc national du Durmitor. Avec la baie de Kotor au sud, ce parc est connu comme l'une des beautés du Monténégro, qui n'en manque pas... 

 

Le soleil chauffe, au point qu'au lieu de les craindre, on finit par attendre les tunnels qui ponctuent la route pour quelques secondes de fraîcheur. 

 

D'en haut, le lac ressemble à une grosse rivière à mesure qu'on s'élève.

Derniers regards sur la Piva, avant de s'enfoncer dans la montagne.

 

 

La route n'en finit pas de monter, jusqu'à Trsa, et même un peu après. A Trsa, où on s'arrête pour une petite pause, on entend au loin une musique lancinante... C'est un vieux monsieur en costume (qui doit avoir chaud par ce temps), qui se balade avec ses "portables", deux haut-parleurs fixés sur son ventre. Il va et vient en diffusant à qui veut (et aussi à ceux qui ne le veulent pas) ses airs du siècle dernier. 

 

Les paysages ont peu à peu changé. On a l'impression d'être dans des steppes d'Asie Centrale en été. Mais les photos en disent plus long que les mots...

On se croirait un instant en Mongolie, un autre en Irlande...

 

On continue de monter, et n'allons pas très vite, en tout cas pas assez pour semer le petit chien qui a commencé à nous suivre. Un berger essaie de le rattraper, mais rien à faire. On comprend que ce n'est pas son chien, et on espère juste que celui-ci arrivera à retrouver le chemin vers chez lui, car on commence à s'éloigner du village. Parfois, il disparaît pour se rouler dans l'herbe à côté, et on croit l'avoir perdu au détour d'une descente un peu rapide... mais le voilà qui réapparaît après un sprint qui nous étonne autant que son endurance ! Il n'a ni l'air d'en avoir après nos vélos, ni de vouloir faire la course, mais simplement de nous accompagner. Attentifs à tous les deux, il passe de l'un à l'autre, et s'assure régulièrement que le deuxième est bien en train d'arriver en se retournant de temps en temps.

 

On commence à se prendre d'affection pour ce petit chien sympathique qui n'aboie jamais (nous qui ne sommes pourtant pas de grands fans des chiens en général, et encore moins à vélo), et commençons à l'appeler "Vacilando", ce petit mot espagnol qui nous plaît tant, et qui signifie "parcourir le monde pour le voyage lui-même plus que pour la destination" : un peu la philosophie de notre voyage, et de ce petit chien. 

 

La plupart du temps, les chiens sont adoptés par des "maîtres" sans qu'on leur demande leur avis. Cette fois c'est un peu le contraire qui nous arrive... 

 

Les paysages de montagnes autour de nous sont sauvages et magnifiques, surtout sous la lumière de la fin du jour. 

 

Le soir commence à tomber. On demande à l'une des rares maisons alentours si on peut planter notre tente dans le jardin, le seul endroit un peu plat du coin étant le petit terrain de foot pour les petits-enfants de Baba Kata. 

C'est l'occasion pour Gaetan de chatouiller un peu le ballon... 

 

Kata nous accueille avec son grand sourire - en fait, la seule seconde où elle ne sourit plus, c'est devant l'appareil, peut-être parce qu'il faut être sérieux sur les photos. Mais n'est-ce pas tellement mieux que les amateurs de selfies dont le sourire ne dure au contraire que le temps de la photo ? 

 

Elle nous offre du café et des bonbons, le temps d'une soirée, où nous parlons de sa vie ici, seule avec deux vaches, des poules et des chats, entre cette région, inhabitable ou presque en hiver, et Nikšić. Les mots manquent parfois, mais on a l'impression que "baba" (grand-mère, comme elle s'appelle elle-même) est aussi juste heureuse de partager ces moments, même de silence, avec nous. 

 

Au réveil, Vacilando est toujours là : il nous a veillé (ou a dormi aussi sans doute) devant la tente. Ca y est, on est définitivement adoptés !

 

Pour le petit-déjeuner, Kata nous sert un café "turc" (monténégrin ?) avec du lait chaud, trait la veille et le matin mêmes, et du "kajmak", dont elle nous montre la fabrication (il s'agit d'une crème grasse obtenue en faisant bouillir du lait cru, qu'on mange notamment avec des "cevapi", ou seul avec du pain), et un bout de "pita" (ou "burek") fait maison. Elle vit de peu dans sa petite maison, et n'achète quasiment que de la farine (pour le pain) et des tomates.  Kata, si tu nous lis, merci pour cette belle rencontre !

Devant la maison de Kata, un panier de basket donne sur la route, heureusement pas trop passante...

Portrait en pied de Vacilando - ou devrions-nous dire "en pattes" ?

 

 

 

On continue de grimper dans les montagnes du Durmitor. Vacilando tire la langue, mais tient (très bien) le rythme, car on ne va pas très vite dans ces montées. Mais qui dit montées, dit aussi descentes qui vont suivre... Et on devra alors certainement quitter notre compagnon de route.

En route vers le mont Prutaš

Le mont Prutaš, la "montagne faite de brindilles", a l'air tout ridé par les années.

 

Après avoir passé le mont Prutaš, on roule à côté d'un troupeau, gardé par des bergers, mais surtout par plusieurs gros chiens, dressés pour défendre les bêtes contre tout agresseur potentiel. Et Vacilando représente une menace visiblement. Ils commencent à lui courir après et à l'attaquer. Malgré ces beaux sprints, Vacilando est bien plus petit qu'eux et ne fait pas le poids. Les chiens, qui sont au moins quatre ou cinq, l'entraîne dans un creux de la prairie, et fondent sur lui. On a très peur pour sa vie... 

 

Mais il ressort, blessé aux pattes et saignant un peu, mais bien vivant. On est très choqués par ce qui s'est passé, et on n'aurait pas pensé que le danger sur cette route viendrait d'autres chiens. On reste un peu avec Vacilando et on lui donne à boire. Mais une grande et longue descente nous attend, avant de remonter (bien plus loin) vers le mont Sedlo (ci-dessus). Vacilando essaie de nous suivre en boîtant, mais il ne peut cette fois plus tenir le rythme. On le quitte, avec un gros serrement au cœur, car on avait fini par s'attacher à ce petit compagnon, en espérant qu'il retrouvera le chemin de sa maison sain et sauf. 

 

Après les magnifiques paysages dont regorge le parc national du Dormitor, nous retrouverons la Tara et le célèbre pont de Djurdjevica qui l'enjambe. Un peu comme à Mostar, le site est envahi par les touristes et le business qui va avec. La compagnie "Zipline" est d'ailleurs présente un peu partout autour du pont pour vendre des traversée de la Tara en tyrolienne à 1 euro la seconde... 

 

On croise aussi devant le pont un cyclovoyageur chinois, parti il y a un an, et en route pour un tour du monde...

Nuit à la sortie du canyon de la Tara

 

 

A Zaton, on pose notre tente dans le jardin d'une famille très sympa, où vivent aussi un gros chien (ci-contre) et une portée de six jeunes chiots, qui essaient sur nous leur aboiements aigus qui trahissent plus leur inquiétude qu'une menace - pour le moment ! 

 

Au coucher du soleil, nous nous arrêtons dans le dernier village avant la frontière avec le Kosovo. Ce village, peuplé d'Albanais, nous donnera un avant-goût de ce qui nous attend (80% de la population du Kosovo est ethniquement albanaise).

 

En effet, une famille du village nous permet de mettre la tente dans leur garage puis on essaie de pratique autour d'un cafe les différentes expressions d'albanais qu'on essaie d'apprendre - pas simple...

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Commentaires: 5
  • #1

    Diana (dimanche, 18 septembre 2016 19:34)

    Magnifiques tous ces paysages ! C'est rigolo ce chien, dommage pour ce qui lui est arrivé. Le récit de votre rencontre avec lui me rappelle exactement celle qu'on a eu avec un chien dans les Apuseni (il n'aboyait pas, nous attendait tous les deux avant d'avancer...), mais celui-ci ne nous avait accompagné qu'une demi-journée.
    Merci pour ces beaux récits et photos. Je dois quand même avouer que vous me manquez un peu ;)
    Bises

  • #2

    Klervi (mardi, 20 septembre 2016 00:31)

    Un sacré compagnon... Il va falloir vite que je revienne vous voir sinon il va remporter le titre de celui qui vous aura le plus vu durant votre voyage !

  • #3

    Catherinee (mardi, 20 septembre 2016 20:28)

    Magnifique!
    Les photos le récit le sourire des heureux cyclistes...
    Belle suite!

  • #4

    CC (jeudi, 06 octobre 2016 09:03)

    Il a du chien, ce Vacilando.

  • #5

    Stéphane (dimanche, 09 octobre 2016 22:06)

    yo les amis !

    magnifique ces paysages ! :) la piva ça a l'air quelque chose !

    des bisous,
    Stéphane